Si les termes "Boomer", "Genom", "AD Police" ou encore "Knight Sabers" vous provoquent l'envie irrépressible d'écouter "Konya wa Hurricane" en dandinant votre joli corps dessus, alors ce qui suit devrait vous plaire. Quant aux autres, il n'est pas encore trop tard pour s'y mettre ;)
Bubblegum Crisis est sans aucun doute un classique de l'animation japonaise. Une oeuvre S.F. emblématique du courant cyberpunk ayant fortement marqué les années 80. Qui dit "Cyberpunk" dit évidemment univers sombre, violent, pessimiste et où la civilisation humaine doit faire face à de nouvelles menaces telles que la cybercriminalité, les expérimentations scientifiques dépourvues d'éthique (manipulation génétique, conception d'androïdes toujours plus proches des humains dans l'apparence et l'intelligence...) ou encore l'omniprésence et l'omnipuissance de conglomérats financiers au dépend des Etats nations... Bref, ce que l'on appelle communément une jolie dystopie. Bubblegum Crisis intègre donc bien ces éléments mais n'oublie pas d'apporter, de manière originale, une touche fun et sexy au passage. Mais commençons par le commencement ^^ :
En 2025, un énorme tremblement de terre dévaste en grande partie la ville de Tokyo. Les pertes humaines et matérielles sont considérables. Rapidement, la reconstruction de la ville est ordonnée par les autorités. Une société spécialisée en robotique du nom de Genom tire financièrement avantage de cette situation en proposant ses robots, appelés "Boomer", comme main d'œuvre fiable, rapide et efficace.
L'édification de "MegaTokyo" se fait ainsi à une vitesse folle et les boomers, très appréciés et devenant progressivement plus intelligents et ressemblants aux humains, s'avèrent vite indispensables dans chaque secteur de la vie civile. L'une des conséquences logiques de cet engouement est l'enrichissement considérable de la Genom qui devient très vite une multinationale à la puissance sans pareille, pouvant faire plier les Etats.
Cependant il arrive de temps à autre, sans raison apparente, que certains boomers échappent à tout contrôle et se mettent à tout dévaster sur leur passage ainsi qu'à attaquer les humains. En 2027, au sein de la police, une unité spécialisée est alors crée sous le nom de "AD Police" en réponse à ce nouveau danger.
En 2032, les incidents causés par les boomers augmentent en flèche. Sous-équipé (En raison de fonds publiques insuffisants) l'AD Police peine de plus en plus à lutter contre les boomers de la Genom, toujours plus perfectionnés et dangereux. Sans compter le fait que de lourds soupçons pèsent sur la société qui se livrerait à des expérimentations militaires, pourtant interdites, dans l'élaboration de ses derniers modèles de boomers.
C'est dans ce climat instable que fait l'apparition d'un obscur groupe de mercenaires se faisant appeler "Knight Sabers". Quatre jeunes filles aux identités secrètes et fermement décidées à combattre cette menace dans de mystérieuses combinaisons robotisées à la pointe de la technologie...
Bubblegum Crisis est une série d'OAV en 8 épisodes réalisées entre 1987 et 1991 et dont la génèse revient à Suzuki Toshimichi. Cette série se révèle être une vraie réussite artistique, à la fois visuelle et sonore.
Graphiquement, c'est au fameux Sonoda Kenichi (Gunsmith Cats, Exaxxion...) que l'on doit le chara design. Sonoda est un chara designer très apprécié compte tenu de son habileté à dessiner la gente féminine avec des visages terriblement accrocheurs, simples mais tout en finesse (Sans compter les poses souvent diablement sexys qu'il fait prendre à ses héroïnes ^^’)
Quant au mecha design, c'est Aramaki Shinji qui en est principalement responsable. Relativement classiques dans l'ensemble, ses conceptions n'en restent pas moins efficaces notamment la moto/armure de combat de Priss (l'une des héroïnes) ou encore les Boomers qui jouissent d'une conception assez réfléchie, avec une légère touche horrifique bien amenée.
Concernant les combinaisons des héroïnes, il me semble par contre qu'elles sont majoritairement le fruit de Sonoda. Toujours est-il que ces tenues sont superbement pensées dans leur fonctionnement, très cohérentes, mais surtout gra-ve-ment sty-lées (Tout en ligne courbe). C'est simple, ces combinaisons sont devenues avec le temps définitivement cultes ^^
Musicalement, c'est du lourd, très lourd. Je crois bien que les OST de Bubblegum Crisis font partie des OST d'anime les plus mémorables. Il faut dire que cette série laisse une énorme place à la musique dans sa mise en scène avec un son rock entraînant et délicieusement typique des années 80 (ainsi qu'une chanteuse/seiyū hors pair dans le rôle de Priss : Oomori Kinuko). Rien que l'introduction du tout premier épisode est un bijou en terme d'ambiance grâce à cela : On nous présente une ville futuriste avec ses différentes facettes (à la fois les quartiers aisés comme ceux misérables) accompagné de quelques notes lentes au synthé faisant tranquillement monter la tension jusqu'à... CA :
Mettre parallèlement en scène le concert d'une chanteuse rock se déchainant et montrer à l'autre bout de la ville, un robot fou écrasant tout sur son passage était formidablement inventif et stylé, bref une jolie claque ^^
Makaino Kouji signe là un travail remarquable : A chaque épisode, de nouvelles musiques toutes aussi mémorables que les précédentes. "Konya wa Hurricane", "Mad Machine", "Funky Doll" pour ne citer qu’elles... Ou encore "Mysterious Night"... (Par contre, merci Jeanne Mas pour celle-là ! ^^’) Pour ceux qui ne comprendraient pas, il y a en fait une anecdote relativement connue d’un plagiat assez évident de "Mysterious Night" sur le "Johnny Johnny" de Jeanne Mas (1985)... Les deux musiques se ressemblent quasiment à la note près (Ah les japonais et les droits d’auteurs ^^'). Vous pouvez vérifier avec les liens ^^ :
Au niveau de l'animation, celle-ci s’avère honnête voire bonne par moment durant les trois premiers épisodes (Réalisés par Akiyama Katsuhito). Mais les choses évoluent nettement par la suite, probablement en raison d'un budget plus conséquent, mais aussi grâce à la succession de différents réalisateurs, chacun apportant sa touche personnelle. Les OAV s’étalant de 87 à 91, on peut également observer l’évolution du style et des techniques sur cette période, ce qui est très intéressant. Les épisodes 4 (réalisé par Hayashi Hiroki), 5, 6 (Obari Masami) et l'épisode 8 (Gohda Hiroaki) sont ceux qui, à mon sens, bénéficient de la meilleure qualité d'animation. C'est même par moment du très bon niveau (notamment le sixième et le huitième) : régulièrement fluide, surtout dans les scènes d'action, avec des plans souvent très dynamiques. Néanmoins, l'épisode 7 (Takayama Fumihiko) quant à lui se rapproche un peu plus des trois premiers.
Concernant la mise en scène, celle-ci reste très soignée quelque soit les épisodes : Souvent sombre, violente et gore lorsqu'un boomer débarque et se déchaine, mais contrastée par des phases plus légères en compagnie des héroïnes. Sans oublier bien sûr la touche musicale, toujours au bon moment.
On n'est donc volontairement pas dans un dramatisme absolu, comparativement à d'autres œuvres du genre, car le fun reste une composante récurrente de Bubblegum Crisis. D’ailleurs, la psychologie des personnages est, à l’exception d’un ou deux d’entre eux, généralement peu développée pour laisser place à de fortes personnalités. Je pense notamment au caractère maladroit de Nene (Aaah, la scène musicale du "rush" au boulot, à l’épisode 8… Un vrai petit bijou ^^), celui sauvage et indépendant de Priss ou encore le séducteur et tête brulée Leon (Un inspecteur de l’AD Police venant régulièrement en aide aux Knight Sabers… A moins que ce ne soit plutôt la situation inverse ^^')
Il en est de même pour le scénario qui, bien que mature, ne s'arrête jamais vraiment pour poser des réflexions sur les menaces véhiculées par le cyberpunk, préférant plutôt laisser cela en filigrane. Les différentes histoires sont, malgré une légère répétitivité des situations, vraiment intéressantes et bien construites. Certaines s'étalent sur plusieurs épisodes tandis que d'autres n'en prennent qu'un seul. Le background futuriste lié à cet univers est quant à lui très bien utilisé (Vidphone, toits des immeubles tapissés de panneaux solaires...) voire plus inventif par moment ce qui renforce considérablement l'immersion.
Comme certains le savent déjà, Bubblegum Crisis a fortement été influencé par le chef-d'oeuvre de Ridley Scott, Blade Runner, auquel la série fait d'ailleurs régulièrement référence. Parmi les plus évidentes, on notera l'architecture pyramidale du siège de la Genom qui cultive de fortes similarités avec celui de la Tyrell Corporation. Une autre encore est le nom du groupe de Priss "Priss & the Replicants" ou le terme "Replicant" fait directement écho au vocabulaire désignant les androïdes dans Blade Runner. Mais aussi tout simplement le nom "Priss/Pris" en clin d'oeil à l'une des réplicants du film, "modèle de plaisir" créé pour le divertissement...
On peut également noter la base scénaristique similaire entre le film et le cinquième épisode de Bubblegum Crisis. Episode qui débute par l'évasion d'un groupe de boomers, techniquement très proches des humains, soumis au travail forcé dans une station orbitale et cherchant à vivre librement sur Terre... ;)
Durant l'année 91 sort Bubblegum Crash qui s'avère être une suite directe à Crisis et qui, le temps de 3 OAV, prolongera la saga.
Hélas, cette suite s'avère moins percutante. Moins sombre dans l'ensemble mais surtout moins inspirée et détonante musicalement. Là où Crisis s'efforçait de débuter chaque épisode de manière originale, avec une musique toujours différente, Crash cède pour un opening, certes sympathique, mais identique à tout les épisodes ce qui est plus convenu. L'ambiance est, d'une manière générale, clairement un ton en dessous. De plus, la doubleuse originelle de Priss est cette fois absente au casting et cela se fait cruellement sentir. Sonoda s'occupe toujours du chara design ce qui assure une certaine continuité visuelle mais la réalisation (Ishiodori Hiroshi et Fukushima Hiroyuki) n’est pas vraiment à la hauteur, avec des dessins parfois un peu moches et une animation toute juste moyenne… L'ambiance en moins.
Mais tout n'est pas négatif non plus, car scénaristiquement Bubblegum Crash va un peu plus loin que Crisis en s'efforçant d'approfondir la thématique robot/humain et ses interrogations. On peut d'ailleurs mieux se rendre compte de l'importance et de la diversité des boomers au sein de la société ce qui est très appréciable. La conclusion finale est quant à elle relativement intéressante.
On peut donc sentir une volonté d'approfondir les choses cependant le résultat n'est pas vraiment à la hauteur. Au final, cette petite série d'OAV se laisse regarder sans toutefois marquer les esprits.
Il faut également savoir que l'univers instauré par Bubblegum Crisis a suscité plusieurs spin-off qui, pour la majorité d’entre eux, se révèlent être tout aussi réussis et vraiment dignes d'intérêt (chose suffisamment rare pour le noter).
Je pense notamment à la fameuse préquelle traitant de l'élaboration de l'AD Police à savoir AD Police Files ou encore l'excellent polar futuriste Parasite Dolls. Deux oeuvres bien plus sombres, sérieuses et dérangeantes que Bubblegum. Sans oublier bien sûr le très sympathique remake en série télévisée, Bubblegum Crisis: Tokyo 2040 qui, à mon sens, n'a pas à rougir de son ainé et parvient à trouver sa propre voie... Mais toutes ces jolies choses viendront prochainement ;)
Voilou, en attendant, j'espère avoir ranimé d'agréables souvenirs chez certains et donné envie à d'autres de s'intéresser de plus près à cette fabuleuse série ! ^^